C’est le plus petit reflex de la gamme argentique Nikon. À sa sortie on le considérait comme un appareil féminin. Autre époque, autre mentalité. N’empêche, il est drôlement beau ce petit boîtier dessiné par Giugiaro. Beau et en plus diablement efficace bien que simplissime à utiliser. Less is more, comme on dit.
En cette fin des années 70, Nikon est une marque réputée pour ses appareils professionnels ou experts, des engins robustes comme des tanks et précis comme de l’horlogerie suisse. Le Nikon est un outil de choix pour l’intrépide reporter de guerre, le photographe de pub branché qui aime shooter en extérieur et même les missions spatiales de la NASA ! Mais avec ce nouvel appareil, pour la première fois, Nikon attaque le marché par le bas. Un choix pour le moins questionnable. Pourquoi ne pas conserver un positionnement haut de gamme ? Tout simplement parce que depuis plusieurs années déjà, la concurrence se rempli les poches avec des systèmes orientés grand public. Le Pentax ME et l’Olympus OM sont des petits engins insolents d’efficacité et qui rapportent gros. Business is business, la firme de Ohi veut sa part du gâteau. Mais chez Nikon on préfère faire les choses bien plutôt que vite, économique ne veut pas dire au rabais. Après avoir testé et éprouvé de nouvelles technologies sur ses boîtiers FM, FE et F2 auprès d’utilisateurs exigeants, Nikon est prêt à attaquer le marché du bas de gamme avec un appareil qui fera honneur à la marque. Bon calcul, nombreux sont ceux qui attrapent le virus avec un premier appareil pas cher, puis montent en gamme en restant fidèle à leur marque de départ (phénomène encore vrai aujourd’hui, CQFD). Avec un prix de lancement de 1.800 Francs en 1979, soit moins de 300 de nos Euros, le petit EM est donc le premier Nikon « entry level » de l’histoire. Sa mission est de faire de l’œil aux débutants et autres utilisateurs occasionnels. Par la même occasion, il va aussi tenter de séduire les femmes, qui jusqu’ici n’avaient jamais fait l’objet d’un ciblage précis par l’industrie de la photographie. Business is business, vous dis-je.
Côté conception, le petit nouveau fait grandement appel à la fibre de verre et au polycarbonate. C’est qu’il faut contenir le prix au maximum. Mais n’oublions pas qu’avec ce boîtier, la Nippon Kogaku est en pleine expérimentation. De plastique il ne sera question que pour le socle et le couvercle supérieur de l’appareil. Le corps principal, lui, est fait du bon vieil alliage d’aluminiure de cuivre déjà vu sur le légendaire FM. Vous avez dit indestructible ? De nos jours, plus aucun appareil d’entrée de gamme ne peut se targuer d’un tel raffinement.
L’EM inaugure également une nouvelle gamme d’objectifs, baptisée Series-E… Dotés d’une mécanique un peu moins solide et surtout non traités « multicouche », ils sont censés être un peu moins performants si une source lumineuse se trouve directement dans le cadre. En pratique, il est très difficile de faire la différence et leur monture les rend totalement compatible avec le célèbre système Nikon AI. Ils sont donc utilisables sur les autres boîtiers à monture F de la marque, et vice versa. Toi qui aime monter des objectifs anciens sur ton Nikon numérique, fais toi plaisir, la gamme E est tout simplement excellente !
Faire des photos avec un EM, il n’y rien de plus facile. Le boîtier dispose réellement d’un seul mode de fonctionnement : priorité à l’ouverture (oublions les modes mécaniques B et M90). On fait la mise au point, on cadre, on règle le diaph et la vitesse s’ajuste automatiquement. Un jeu d’enfant, d’autant que les vitesses sont indiquées dans le viseur et qu’un beep-beep sonore vient même avertir l’imprudent qui oserait franchir la barre du 1/30s (risque de sous-exposition ou de flou de bougé), ou du 1/1000s (risque de sur-exposition). La cellule au sélénium fonctionnant en mode central-pondéré est redoutable d’efficacité. Ajoutez à cela la grande qualité des optiques E et vous obtenez une petit appareil capable de faire des photos comme les grands !
Mais l’EM n’est pas qu’un boitier d’amateur. Les photographes plus expérimentés peuvent également prendre beaucoup de plaisir avec, notamment en ayant la possibilité de quelque peu affiner leurs réglages, soit grâce au bouton de compensation d’exposition qui allonge le temps de pose de deux stops (bouton situé sur la face avant de l’appareil, à gauche du prisme), c’est très pratique pour un contre jour par exemple ; soit en modifiant le réglage de sensibilité ISO/ASA, ce qui permet de sur/sous-exposer volontairement.
Enfin, le petit EM dispose d’une gamme de produits additionnels dédiés qui permettent de le rendre plus efficace (Flash SB-E - NG17 à 100 ISO pour une porté de 3 mètres, moteur MD-E faisant grimper la cadence à 2 vues / seconde dès que la vitesse dépasse 1/90s), le protéger (étuis CF-11 et CF-12) ou encore le transporter (valise SB-E)… Bref, l’EM est non seulement l’ami des photographes de la fin des 70s, c’est aussi un petit univers très sympa pour les collectionneurs du XXIè siècle.
Faire des photos à l’EM plus de trente ans après sa sortie, est-ce bien raisonnable ? Oui ! C’est même un excellent ticket d’entrée pour qui veut découvrir ou retrouver les sensations du grain d’argent. L’appareil est très compact et peut aisément trouver sa place dans le fourre-tout du photographe d’aujourd’hui, sa monture Nikon F le rend compatible avec une vaste gamme d’objectifs allant des années 70 au début des années 2000, les Nikkor AF/AF-D sont tout à fait utilisables, seuls les modèles plus récents, G et DX, dépourvus de bague de diaph ne sont pas exploitables dessus. De même, ses objectifs Series-E sont très sympa à monter sur des boitiers récents. Allez voir si votre boitier dispose du menu « Objectif sans microprocesseur », entrez la focale et l’ouverture maxi, et hop, ça marche ! Vous l’aurez compris, l’EM est un super petit appareil. Il combine l’aspect économique d’un système d’entrée de gamme et l’excellente qualité de fabrication chère à Nikon dans les années 70. Et ses performances sont loin d’être à la traine !
De nos jours, un pack Nikon EM + objectif Series-E 50 mm f/1,8, tous deux en bon état cosmétique et de fonctionnement se négocie entre 60 et 80 Euros… À ma connaissance, l’un des meilleurs rapports prix/plaisir de l’univers de la photo.
Th/V
Fiche technique
Nikon EM
Fabricant : Nippon Kogaku K.K.
Produit de 1979 à 1982
(vendu neuf jusqu’en 1984)
Type : Reflex 24x36
Monture : Nikon F
Fonctionnement
Mise au point manuelle
Mode Auto (priorité à l’ouverture)
Mode M90 (mécanique 1/90s)
Mode B (mécanique / pause B)
Mode Auto sans pile (= 1/1000s)
Mesure de la lumière centrale pondérée 60/40 / cellule au silicium
Gamme de sensibilité : 25 - 1600 ISO
Obturateur : 1/30s - 1/1000s (synchro flash 1/90)
Dimensions : 135x54x86 mm
Poids : 460g
Alimentation : Pile(s) 2 x S76 / A76 ou 1 x 1/3N
J'ai eu ce boitier en même temps qu'un autre boitier Nikon (je ne sais plus lequel car j'en ai eu plusieurs) et je les utilisais avec les mêmes objectifs (non E). Contrairement à ce que j'attendais les résultats étaient légèrement moins bon sur le EM. je ne sais pas à quoi cela était dû. Bouger plus perceptible sur un appareil plus léger? Planéité du film moins bonne? Ou toute autre cause. Je ne me suis jamais expliqué pourquoi mais je l'ai constaté.
Il existe plusieurs modèles de Nikon EM et parmi eux les bons (les derniers) qui ont une bague de transmission de l'ouverture présélectionnée en métal et une piste dorée pour simuler cette ouverture et les autres qui n'ont rien de tout cela et qui sont promis à la panne.