On est le 28 mars 2019. Qu’est-ce que je faisais ce même 28 mars il y a dix ans ? On était donc le 28 mars 2009 et ce jour là, figurez vous que j’arpentais les rues de la capitale japonaise avec mon bon vieux Pentax K10 à la main. C’était un voyage d’agrément, je n’avais pas de commande à l shooter, pas de photos à livrer, à part peut être les quelques photos que j’estimerais valables pour l’agence ANA - une agence parisienne spécialisée dans la photo de voyage. Mais je n’avais pas vraiment ça en tête en foulant le pavé Tokyoïte, j’étais tout simplement en situation d’ébahissement permanent.
Je suis très observateur et j’ai l’impression d’être sans arrêt en prise directe avec mon environnement. Alors autant vous dire qu’en arrivant au Japon, le choc fut total. Génial aussi. Le Japon est un monde plus ou moins comparable au notre en terme de niveau de vie, de confort, d’organisation de la vie quotidienne et de niveau technologique (je dis bien plus ou moins). Par contre le Japon repose sur des piliers culturels et protocolaires relativement différents de ceux de l’Occident. Quel régal d’avoir vu de mes yeux ce monde à la fois aussi proche et aussi éloigné !
En revoyant mes photos d’il y a dix ans, je mesure le chemin parcouru dans ma façon de faire, mon maniement du boîtier et mes choix esthétiques. Par contre il y a quelque chose qui ne change pas : mes choix de sujets. En d’autres termes, mes centres d’intérêt, ces choses qui attirent mon regard et celles que je vais volontairement chercher, ça ça ne change pas, ou très peu. À la rigueur ça évolue, mais avec logique.
Je trouve que cette forme de stabilité donne une valeur essentielle à ma photographie - à mes yeux s’entend. Je parle d’une valeur documentaire et historique.
Là encore je parle à mon petit niveau, je veux dire que ces photos agissent comme une espèce de machine à voyager dans le temps. Elles me font me souvenir. Me souvenir de ce voyage et des sensations vécues sur place, mais aussi, en regardant d’un peu plus près, me souvenir de ce qu’était ma vie à l’époque, d’un point de vue purement objectif.
Par exemple je me souviens qu’à l’époque je n’avais pas de smartphone, que pour me promener « léger » j’emportais un petit Lumix qui tenait dans ma poche - j’adorais ce petit appareil et pourtant aujourd’hui mon Huawei P9 est meilleur en tous points, et en plus je peux téléphoner et aller sur internet avec. Je me souviens avoir fait un bout de route en Toyota Prius et avoir eu l’impression que cette voiture sortait tout droit d’un film de science fiction. Je me souviens avoir été bluffé par les fringues et les coupes de cheveux de jeunes urbains qu’on aurait cru sorti tout droit d’un manga ou d’un clip de J-pop. Je me souviens du goût du ramen et des burgers de chez Mos Burger. Je me souviens des cerisiers en fleur. Et je me souviens des voitures, des motos, des scooters, des camions et des vélos ! Là bas les véhicules sont les mêmes que chez nous, sauf que ce ne sont pas du tout les mêmes…
Je pense qu’une bonne photo de voyage doit pouvoir vous faire voyager, au moins en esprit. Mais quand en plus elle vous fait remonter le temps, quel plaisir ! C’est à mes yeux l’une des fonctions principales de la photo. Si l’esthétique est là pour attirer, voir retenir l’observateur, c’est une capacité magnifique de la photo, certes. Mais e pouvoir d’évasion de l’esprit présent vers quelque chose d’achevé, c’est un peu le super-pouvoir de la photo. En une seule image, c’est tout un monde qui se recompose, un monde disparu que cette image a rendu éternel en le fixant sur un bout de papier ou un écran, mais aussi en le faisant ressurgir dans les tréfonds de l’esprit.
La photo, c’est ma machine à voyager dans le temps, c’est ce qui me permet de repousser l’évanescence, d’étirer le temps. Et franchement, quel plaisir de parcourir le monde, lointain ou tout proche, avec un appareil à la main !
Photos & texte © Thierry Vincent / ThV
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